NUIT DE L'ECRITURE
Voici quelques textes qui rappelleront à certains la belle nuit de l’écriture 2010… sur le thème de la chouette…
et à tous ceux qui n’ont pas eu la chance de participer… ce sera juste pour le plaisir de lire !
- Deux mondes
J’ai pensé ignorer le thème pour parler des enfants jouant dans le gazon en toute ignorance des adultes.
Chacun son monde.
La petite fille surtout a multiplié les déambulations à 4 pattes. J’ai supposé qu’elle entrait avec plaisir dans la peau d’un quadrupède, chat ou chien. A la verticale, le tronc compliqué d’un arbre sembla l’intéresser comme jeu de cache-cache avec elle-même.
S’il faut un cadre à ses ébats je mentionnerais la gloriette aux lignes épurées qui à l’instant se passe sur ma gauche de la première étoile.
J’ai surtout été sensible aux deux mondes se côtoyant, celui de l’enfance et celui des grands qui se préparaient à s’épancher sur la page blanche parfois redoutable.
Histoire de chouettes et autres…
Cela se passait dans une petite salle chez grand-mère où nous nous réunissions pour entendre la radio, ceci dans les années 30. Deux oiseaux empaillés présidaient la séance du haut de leur perchoir : une chouette débonnaire qui me plaisait bien et une buse noire au bec crochu qui serrait dans ses griffes un oiseau ensanglanté que je détestais.
A la même époque dans mon village que traversait la route nationale de Châlon en Suisse, les mentalités étaient « évoluées ». Enfin cela nous paraissait ainsi. Pourtant j’ai entrevu sans m’y attarder, tant le tableau était imprévisible et insoutenable, celui d’une chouette crucifiée contre une porte de grange.
De quel maléfice était elle donc la victime expiatoire ?
Mais je terminerai ce récit sur une note plus intimiste et plus chaleureuse ; lié à mon amour des chats. Puce était une superbe chatte tigrée de type européen. Sa fourrure était dense avec un sous poil beige. Quand elle acceptait les caresses, j’avais plaisir à souffler dans sa toison, ouvrant ainsi des yeux de chouettes, les poils se répartissant en couronne parfaite aux points précis qu’avait ciblé mon souffle. Je multipliais ses yeux ouverts qui se refermaient pour que d’autres apparaissent.
Dans un poème écrit avec plus de finesse, je parlais de ces yeux de chouette chevêche.
Eglantine
Nuit quand tu nous tiens
Le jour se lève, la nuit tombe …… Non ! La nuit émerge du jour finissant.
Est-ce un début ou est-ce une fin ?
Ce qui vivait s’endort, ce qui dormait s’éveille.
La terre semble s’éteindre, le ciel dans l’obscurité s’illumine.
C’est chaque fois comme un nouveau lever de rideau, un nouvel acte qui commence sur la scène de l’histoire du monde, depuis que le monde est monde.
La nuit n’est pas le noir, elle est ombres et lueurs furtives, mouvantes, vivantes.
La nuit se souvient. La terre respire la chaleur ou la pluie de la journée. Tout s’atténue. Les bruits, la silhouette des arbres, les reflets.. Tout paraît lointain ou adouci, mais tout est là, immuable.
La nuit est une caresse. Elle nous tient, lovés dans le creux de sa main. Elle est l’Origine, et l’on peut s’y blottir. Les paroles sont murmures, la lumière est lueur. Tout est feutré, tout est douceur.
La nuit est promesse. Elle est pleine de nos rêves les plus fous. D’elle naîtra le prochain jour, son cortège d’espérances nouvelles et d’aventures imprévues.
Mais dormons ! un vieil hibou veille sur nous.
A minuit, il a rendez-vous avec une étoile.
La lune ne le sait pas, elle serait jalouse ! Alors, chuttt
Laissons-leur la place.
Claudine
Rimes nocturnes et crépusculaires
Je cherche une rime à chouette
Et j’entrevois une belette !
Je cherche une rime à hibou
Et j’aperçois un marabout !
Si vous m’offrez le prochain vers,
Je vous servirai une bière,
Car vous m’êtes la lumière
Solaire ou crépusculaire
Qui va bientôt quitter la terre
Et illuminer mon esprit
A l’heure où la nuit
S’installe sans bruit,
Mère de tous les fantasmes
Et de tous les fantômes,
Des oiseaux de malheur
Et des heures de bonheur !
Qui, de la chauve-souris,
De la hulotte ou du hibou
De la chouette ou du chat-huant
Me rendra mon âme d’enfant ?
Ma plume n’est pas celle d’un oiseau
Mais elle m’a pris sous son aile,
Elle m’emporte au-delà du temps,
Dans un va-et-vient incessant !
Dominique Charlot, Verges,
vendredi 25 juin 2010
Le campagnol et la comète
- Petit raton
- Petit lardon
- Sors de ton trou
- Viens voir un coup
- Viens voir la comète
- Voir comme elle allume
- Et fiche en l’air le ciel
- T’as vu sa queue
- Des milliards de fois plus longue
- Que celle du chat ?
- Petit raton
- Petit lardon
- Gros comme un sou
- Sort de son trou
- Quel fou ! Quel fou !
- Car le vilain zibou
- Peut-être le chat huant
- Fait hou hou hou
- Et crac et boum et gloups
- Mais c’est bien fait C’est bien fait
- Ebloui par la comète
- Il a raté son coup
- Hou hou hou ouille !
- Petit raton Petit lardon
- Trotte et trotte
- Il n’a rien vu du tout
La chouette hulotte
Le soleil disparaît dans la vallée.
Les boqueteaux s’assombrissent sur le plateau.
Des merles tardifs gazouillent dans les buissons.
Les grillons stridulent dans les hautes herbes.
Les murgers et les cabanes de bergers se fondent dans la dernière lueur du jour.
Les grillons se taisent, le silence est suspendu.
Un hululement tremblotant s’élève des épicéas.
Une chouette hulotte tourne lentement sa grosse tête aux yeux sombres et profonds.
Elle relance un trémolo territorial, s’élance dans un vol silencieux sous la lumière lunaire.
Sur un piquet le champ passe, elle se poste à l’affût du moindre mouvement, du moindre chicotement d’un mulot.
Plus tard elle ira battre les buissons de ses ailes pour y dénicher des oiseaux endormis.
Elle verra des blaireaux rapporter de la litière aux terriers, une renarde, pitance pour sa portée, des chauve-souris virevolter.
Elle picotera quelques hannetons, coléoptères.
Et juste avant le petit jour, elle regagnera un abri à la fourche d’un arbre ou dans un manchon de lierre.
Ses couleurs se confondront à l’écorce pour une nouvelle journée de somnolence jusqu’à une nouvelle nuit.
- Eloge de la nuit
- L’écriture que chacun étale
- Sur un papier, une toile de maître,
- Fait-elle naître
- Cette pluie suspendue d’étoiles ?
- Comme pour imiter le ciel
- De la nuit naissante d’une kyrielle
- De lettres… Le monde chouette du rêve
- Commence où le ciel limpide s’achève…
- Cérémonuit autour des cierges
- Au pied du château de pierre de Verges
- Tandis que de chouettes bêtes hululent
- Pour séduire, invisibles et noctambules
- Au pied du chouette château,
- Les étoiles de table nous souhaitent
- De nous transformer en oiseaux de nuit
- Animal de nuit je suis
- Animal de pluie suspendue
- Nous, inconnus charmés du château
- Offrons-nous comme cadeau
- De voler vers les rêves que nous sommes devenus…
Ce soir à Verges, le front dans les étoiles
J’ai connu des instants de rare éternité
Quand le jour finissant inonde de silence
Les parfums immobiles et humides du soir
Le dernier cri d’oiseau a suspendu le temps
Vénus et Antarès ensemençent le ciel
Quand le blaireau chasse en solo
Les chauves souris en walkyries
Les chouettes rencontrent le grand duc
Mais….
Tous les oiseaux de nuit ne possèdent pas d’ailes
Certains s’en vont au bar pour s’envoler un peu
S’inventer pour un soir des aurores plus belles
Et convaincre le noir que leur ciel est tout bleu
Alors faisant la fête
Les jeunes chouettes
Les vieux hiboux
Mangent Ronron et Canigou
Comme dans leurs rêves les plus fous
Sylvain cherche toujours Sylvette
qu’il soit chaton ou vieux matou.
JLL
Braves gens,
Ecoutez la triste ritournelle
- D’un oiseau de nuit
- Que, les hommes ont banni…
- Là, la hulotte
- Chouette gardienne d’une tourelle du château
- J’ai été expulsée
- Manu « charpentier » !…
- Pour quelques gouttes de pipi
- Qu’on a pris pour des gouttes de pluie…
- Et depuis S.D.F. devenue
- La hulotte n’a pas trouvé un seul abri
- Qui pourrait l’accueillir ?
- Moi, agente assermentée, par le grand duc
- Maitre de la nuit,
- Pour faire la chasse aux souris, aux mulots
- Aux lérots….
- Moi, oiseau de mauvais augure
- Qualifiée de porteuse de mort
- Réfugiée dans une chapeloune du cimetière voisin
- Où je n’ai d’autres plaisirs que d’appeler
- A la ronde macabre, les Macabées à venir danser
- A faire peur aux dames pieuses, aux maris froussards
- A foutre la trouille à ceux qui le long du mur sans se signer
- A fermer la braguette à ceux qui voudraient pisser contre
Vos cloches sonnent le glas
Vous dites il y a un mort
Moi je hulule
Et j’annonce qu’il y en a un qui va mourir
Et vous dites : sale oiseau, oiseau de malheur, et tous les noms d’oiseau
Alors que vous pourriez m’être reconnaissante de vous inviter à toiletter le mort
De le faire beau, reposé, les mains croisées avec même un chapelet, fini d’égrener entre les doigts coincé
Respirez !
De quoi ai-je l’air !
Je suis grosse, trapue et rousse
Et pourtant je suis belle, fille de la nuit
La lumière m’éblouit. Et si mes yeux sont noirs, cerclés de brun, c’est pour mieux vous faire peur, braves gens…
Car ils sont au carnaval de la vie
Un loup de satin qui bande toute ma face
Ma face en deux rosaces
Et le bec pointu qui croche sous mes plumes
Je dégaine, comme un rapace
Sur tout ce qui trace et je broche la souris
De quoi ai-je l’air ?
Une tueuse ? Des souris et des hommes ?
N’allez pas vous signer. Et pourtant…
Nous sommes les ailes en croix clouées aux portes des étables
Oui….Oui….Dans la région de celui qui écrit
Crucifiée !
Ils pensent ainsi punir l’oiseau porte malheur et conjurer le mauvais sort
Idiot !
Ils feraient mieux de s’en prendre aux écolos ou à la météo
De quoi ai-je l’air ?
La hulotte huluberlotte…Et je vais hululer : O, hou, O Hou, O Hou
Soyez rassuré : il n’y aura pas d’annonce mortuaire
Et cependant j’aurais tellement souhaité vous faire mourir de rire
Mourir de rire ici, chez Fabry
C’est ça qui serait chouette… Alors que la paix de la nuit soit avec vous et la chouette.
Bonne nuit !
Pierre Cros